Pourquoi est-il si compliqué de demander un test de paternité au roi d’Espagne ?

 

Pour illustrer le concept de réseau entre les individus, une image assez connue veut que chacun de nous ne soit qu’à deux personnes du pape : vous connaissez votre curé, qui connaît son évêque, qui connaît le pape. L’idée paraît capillotractée, et pourtant… c’est à peu de choses près ce qui a poussé deux illustres inconnus à demander un test de paternité à Juan Carlos, alors roi d’Espagne. Pour l’un comme pour l’autre, c’est après avoir entendu leurs parents parler de leur conception qu’ils ont décidé d’en avoir le cœur net. L’idée d’enfants naturels non reconnus par Juan Carlos est d’autant plus plausible lorsque l’on sait le plaisir qu’ont les tabloïds espagnols à régulièrement relater les infidélités du roi à la reine.

 

C’est d’abord Alberto Sola Jimenez, un quinquagénaire espagnol, qui a demandé un test de paternité à Juan Carlos. Sa demande a été rejetée, car le père présumé était à l’époque ni plus ni moins que le roi d’Espagne. À ce titre, il bénéficiait donc d’une immunité juridique quant à des demandes de ce type. Dans ce cas de figure, un test de paternité positif aurait été d’autant plus dérangeant qu’il aurait placé Alberto Sola Jimenez comme l’aîné des enfants que l’on connaît aujourd’hui à Juan Carlos. Peut-être pas de quoi déstabiliser l’ordre de succession à la couronne d’Espagne, mais probablement assez pour égratigner encore pus une famille royale déjà salie par les scandales d’argent et de relations extra-conjugales. En effet, dire qu’Alberto Sola Jimenez est bien le fils de Juan Carlos reviendrait également à prouver que l’ancien roi d’Espagne trompait déjà la reine dès le début de leur relation.

 

C’est ensuite Ingrid Sartiau qui s’est décidée à demander un test de paternité à Juan Carlos. Elle aussi avait entendu par sa mère qu’elle était fille du souverain, mais n’avait pas été reconnue. Pour vérifier ces dires et éviter une procédure inutile, elle a d’abord réalisé un test de paternité avec le père qu’elle connaissait depuis sa naissance. À sa surprise, les résultats de ce test de paternité revinrent négatifs. Il y avait donc bel et bien une discordance de paternité qu’Ingrid Sartiau était prête à résoudre. C’est donc tout naturellement qu’elle a demandé un test de paternité à Juan Carlos, qui lui a été également refusé. Par l’intermédiaire de la presse, elle a entendu parler d’Alberto Sola Jimenez, qu’elle a fini par rencontrer personnellement. Les deux ayant vu leur demande de test de paternité refusée, ils ont toutefois fait un test ADN pour vérifier les liens qui existent entre eux : s’ils sont tous les deux bel et bien des enfants cachés de Juan Carlos, ils devraient tous deux porter une part de son ADN. Cela n’a pas manqué : les résultats du test ADN ont révélé qu’ils étaient frère et sœur. Ingrid Sartiau a alors attendu la passation de pouvoir entre Juan Carlos et son fils, Felipe. Ce faisant, Juan Carlos n’est désormais plus roi d’Espagne, ce qui rend possible toute demande de test de paternité à son encontre. Bien que la demande ait été acceptée en première instance, la Haute cour espagnole a ensuite rejeté la demande d’Ingrid Sartiau, la considérant comme légère et infondée.