Lorsque la filiation d’un enfant n’est pas établie à sa naissance, il est possible de faire reconnaître la possession d’état. En quoi cela consiste-t-il exactement ? Le principe consiste à considérer qu’on peut inscrire comme père d’un enfant celui qui se comporte en tant que tel. Classiquement, on relève trois conditions (non cumulatives) servant de forts indices à l’établissement de cette présomption :

  • Le nomen : c’est le nom que porte l’enfant, tout simplement. Et contrairement à ce que l’on peut croire, ce nom ne renvoie pas ici à celui que le père présumé ou réel aurait transmis à l’enfant. Les recherches d’Anne Lefebvre-Teillard sur le sujet nous indiquent qu’en fait, il s’agit d’une « nomination » et nom d’un « nomen » à proprement parler. Autrement dit, il ne s’agit pas ici de la transmission patronymique mais du fait que le père présumé considère et appelle l’enfant (ou non) par le qualificatif de « [son] fils » ou « [sa] fille ».
  • La fama : c’est la réputation auprès du monde extérieur. Plus précisément, il s’agit ici que la société considère également l’enfant comme celui du père déclaré. Il peut s’agir de la famille proche, de voisins… ou même de l’administration.
  • Le tractatus : c’est le traitement, la manière dont le père présumé se comporte avec celui qu’il qualifie comme son enfant. On oublie souvent que ce critère implique une réciprocité : s’il faut que le père considère l’enfant comme le sien, il faut aussi que l’enfant considère le père présumé comme son vrai père pour que ce critère soit valable. Il est toutefois certains cas où ce marqueur faut défaut, notamment dans les cas de procédures avant la naissance.

Si ces conditions énumérées à l’article 311-1 du Code civil sont considérées comme remplies de manière satisfaisante par le juge, une action en justice peut être menée pour avoir une reconnaissance légale. Mais qu’en est-il lorsque cette filiation va contre la réalité biologique, et qu’un père biologique souhaite s’y opposer ? Dans la mesure où la possession d’état est une présomption légale, toute personne qui verrait son intérêt bafoué par cette présomption est légitime à s’y opposer. Elle dispose néanmoins de 5 à 10 ans pour agir selon les cas. Passé ce délai, toute action sera déclarée irrecevable pour ne pas troubler la paix sociale. Si on imagine le cas d’un père biologique souhaitant rétablir la vérité biologique quant à la filiation de son enfant, il lui incombe d’apporter la preuve contraire à ce qui a été établi par la possession d’état. C’est là qu’intervient le test de paternité, qui est aujourd’hui encore le moyen le plus sûr d’établir cette filiation. Dans ce cas précis, le test de paternité semble même le seul moyen crédible pour contester le postulat précédemment établi : il paraît difficile de prouver une paternité biologique par des témoignages, traitements… lorsque la paternité putative a elle même été établie par ces moyens.