Les tests ADN de masse sont-ils réellement efficaces ?

La question s’est à nouveau posée avec l’affaire du viol au lycée de La Rochelle, pour laquelle plus de 500 500 tests ADN ont été faits sur les élèves, enseignants et personnels de l’établissement. Au delà des affaires concernées, cette façon de faire remet en perspective la méthode même du test ADN : en ratissant large, est-on sûr d’aboutir à un résultat ? La question renvoie directement aux problèmes de limitation du champ de prélèvement, et au taux d’erreur en matière de test ADN. En matière d’ADN aussi, le plus est-il le mieux, ou l’ennemi du mieux ? Une rétrospective des quelques cas (français) où le test ADN de masse a été utilisé nous montre que voir en grand n’est pas forcément la meilleure des solutions.

Cette méthode a d’abord été utilisée en 1997 pour élucider le meurtre de Caroline Dickinson. C’est à Pleine-Fougères en Ille-et-Vilaine qu’a été assassinée la jeune fille de 13 ans. Le juge en charge de l’affaire exploitera alors à fond les empreintes génétiques relevées sur la scène du crime, puisqu’il fera passer un test ADN à plus de 3000 hommes de la ville et des alentours. Aucun de ces tests ne sera positif ; en revanche, un SDF sera arrêté plusieurs années plus tard pour une affaire qui n’a rien à voir, et son ADN sera reconnu comme celui du meurtrier de Caroline Dickinson par les fichiers du FNAEG. Puis en 2003, c’est dans l’affaire Estelle Mouzin que le juge d’instruction ordonnera à nouveau des tests ADN élargis à un panel hors norme. Cette fois, ce sont 75 personnes dans toute la France dont les empreintes génétiques seront prélevées, et encore une fois, tous les tests se révéleront négatifs. Après ça, c’est le meurtre du petit Jonathan, enlevé et tué à l’âge de 11 ans, qui donnera lieu à une nouvelle vague de tests ADN en masse. 2300 personnes seront prélevées, encore une fois sans aucun résultat positif. Ensuite, c’est en 2013 que cette technique sera à nouveau utilisée pour trouver l’auteur de multiples incendies criminels. Environ 400 personnes passeront un test ADN, et on pensera trouver le coupable lorsque l’une d’entre elle refusera de se plier au test. Après analyse complémentaire, il s’avérera que ce suspect n’avait pas le même ADN que celui que les forces de l’ordre avaient prélevé sur les lieux du crime. Enfin, c’est en avril 2014 qu’un viol dans un lycée de La Rochelle poussera la justice à demander que toutes les personnes présentes dans l’établissement au moment du crime soient testées. Une nouvelle fois, tous les tests se révéleront négatifs, y compris sur le seul élève qui avait refusé de s’y soumettre la première fois.

Dès lors, comment se fait-il que des tests ADN d’une telle ampleur n’aboutissent presque jamais, alors que les tests ADN beaucoup plus modestes et ciblés touchent généralement beaucoup plus à leur but ? Tout est ici question de contexte. Par exemple, il existe une possibilité infime, mais réelle, qu’il existe sur Terre un double génétique d’une personne (hors cas de gémellité). Or, les chances de se tromper entre les deux sont tout aussi infimes, puisque le principe d’une enquête repose sur le principe de la convergence des indices. C’est bien là ce qui fait la force du test ADN classique, et le gros point faible du test ADN de masse. Paradoxalement, étendre le groupe de prélèvement n’augmente pas spécialement les chances de correspondance si les sujets dudit groupe n’ont aucun lien particulier avec une affaire. En revanche, les tests ADN ciblés ont eux déjà fait leurs preuves