Au sens strictement juridique, le test de paternité est effectivement une preuve comme les autres. Une décision de la Cour EDH du 25 juin 2015, req. n° 22037/13, Canonne c. France, tend à confirmer cette pratique. En l’espèce, il s’agissait d’un requérant français ayant été sommé de se rendre au laboratoire pour un test de paternité. Comme l’y autorise la loi française, il s’y est refusé ; et comme la loi le lui autorise, le juge a déduit que ce refus catégorique était un aveu implicite de paternité. L’affaire a d’abord été portée devant les plus hautes juridictions nationales, avant d’être soumise au juge communautaire. Il était notamment argué que ce principe était contraire aux droits individuels, comme le caractère inviolable du corps humain. La réponse que lui a fait le juge européen est très intéressante, dans la mesure où elle explicite la place du test de paternité en tant que preuve. Tout d’abord, la cour EDH a considéré que le droit des enfants était lui aussi à prendre en compte, malgré le droit garanti à chacun de ne pas se soumettre au test de paternité. En cela, il était considéré comme plus important de donner la possibilité de déclarer judiciairement la paternité d’un enfant. Autre point important de cette décision : les juges français ont été confirmés dans leur démarche. Autrement dit, la jurisprudence communautaire a avalisé l’utilisation du refus de passer un test de paternité comme preuve de ladite paternité. Tempérant toutefois cette solution, la décision rappelle que le refus a été utilisé comme une preuve parmi plusieurs autres, ce en quoi elle reste tout à fait acceptable.

Dans la mesure où le test de paternité reste lui aussi envisagé comme une simple preuve parmi toutes celles pouvant être apportées, comment expliquer qu’il ait pris une telle importance ? La réponse se trouve bien évidement dans son taux de fiabilité qui n’est égalé par aucune autre preuve. Les lois en matière d’immigration nous le montrent d’ailleurs pertinemment : pour pallier à des documents administratifs peu sûrs où venant d’administrations nationales non-fiables, il est parfois prévu la possibilité de recours au test de paternité. Par ce biais, il est possible de prouver un lien de parenté et donc de bénéficier des dispositions concernant le regroupement familial. En France, cette option n’a été conservée que pour le test de maternité. Au vu du taux de discordance, il a été considéré que le risque était trop grand pour les demandeurs de découvrir par le biais des services de l’immigration que leur père officiel n’était pas leur père biologique. En face de ces preuves restent les traditionnels témoignages et documents administratifs. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils n’ont pas perdu de valeur depuis l’arrivée du test de paternité, bien au contraire. Il se trouve en effet que le test de paternité légal passe par une demande au tribunal, qui nécessite l’assistance d’un avocat et la constitution d’un dossier. Or, ce n’est qu’à la condition que le dossier soit assez solide et contienne assez d’indices tendant à montrer la paternité, que le juge acceptera de requérir un test de paternité légal.