Le test ADN a d’abord été une prérogative policière en Algérie, car comme partout il s’est montré un outil bien pratique en matière de police criminelle. Dès les années 1990 le test ADN a servi à identifier des corps ou des traces sur des scènes de crime, bien que le système de fichage n’était pas aussi avancé qu’en Angleterre ou aux États-Unis. C’est notamment cette méthode de test ADN qui a permis de retrouver les terroristes responsables des attentats d’Alger en 2007. Contrairement à d’autres pays, l’utilisation du test ADN en tant que test de paternité ne s’est pas imposée comme une évidence en Algérie. Par conséquent, les gouvernants algériens ont passé des accords internationaux en vue d’améliorer leur système de fichage et d’empreinte ADN. La loi algérienne considère en effet la filiation comme une conséquence du mariage. Dans le cas où la mère se ferait quitter avant la naissance de l’enfant, de multiples cas de présomption sont prévus par le Code de la famille, afin d’établir un lien de paternité quoiqu’il arrive. Toutefois, les laboratoires de police criminelle effectuant les test ADN pour la police, se sont aussi vus envoyer des demandes grandissantes relatives à des tests de paternité. Le constat part d’une situation préoccupante : chaque année en Algérie, environ 7000 enfants naissent hors mariage. Or, le droit algérien de la filiation est patrilinéaire, c’est à dire que la lignée se transmet par le fils, qui la tient de son père dont il hérite du nom. Autre point important : la législation algérienne privilégie la filiation légitime, c’est à dire celle d’enfants nés dans le cadre du mariage. Le risque est alors aussi évident qu’imminent : un enfant né de parents non mariés, ou de père inconnu, commence sa vie avec un boulet au pied. Socialement, il est considéré comme «fils du pêché » s’il naît de parents non mariés, ou comme « enfant de l’assistance publique » s’il naît de père inconnu et d’une mère accouchant sous X. Et puisque la seule filiation légalement reconnue est celle des enfants issus d’un mariage, on comprend aisément que des enfants dits illégitimes ou naturels soient désavantagés, car ils ne peuvent bénéficier de la protection conférée par le statut d’enfant légitime vis à vis de son père. C’est pourquoi le législateur algérien a décidé de réagir à cette situation alarmante. Bien que le mariage reste le modèle de base du droit familial en Algérie, la protection de cette institution ne doit pas désavantager que la mère dans le cas d’un couple non marié qui aurait un enfant. La solution a donc été double : reconnaître la possibilité de filiation maternelle à l’article 44 du Code de la famille algérien, et prendre des mesures pour responsabiliser le père, même hors mariage, à l’article 40 du même code. Le cas envisagé est celui d’un enfant « né de père inconnu » sur l’état civil, hypothèse dans laquelle la mère peut maintenant demander au nom de l’enfant qu’un test de paternité soit effectué sur le géniteur présumé. Bien sûr, il faut ici que la mère indique un géniteur présumé, ce qui est même considéré comme un devoir lorsqu’elle en a connaissance. Dans ce cas, le juge accédera à la demande. Le droit algérien avait originellement prévu que le juge puisse obliger le père à se soumettre au test ADN afin d’établir la filiation. Cette possibilité est prévue à l’article 40 du Code de la famille qui introduit « la preuve » comme moyen d’établissement de la filiation. Passer par la voie judiciaire est d’ailleurs le seul moyen d’être légalement considéré dans ses droits suite à un test de paternité, car il n’est judiciairement reconnu que s’il a été demandé par un juge au cours d’une procédure. Cette mesure était très demandée, car elle vise à ne pas laisser les mères désemparées seules devant la naissance d’un enfant en obligeant les pères à prendre leurs responsabilités. Des voix se sont toutefois élevées contre ces dispositions, notamment en raison de l’article 34 de la Constitution algérienne qui énonce que « l’État garantit l’inviolabilité de la personne humaine ». Dès lors, il est possible à la personne dont la paternité est présumée, de se refuser au test de paternité. En revanche, le juge peut déduire de ce refus la preuve d’une filiation, ce en quoi il appartiendra alors au père de prouver qu’il n’est pas le géniteur de l’enfant (ce qui semble difficile après un tel refus). Si la filiation est établie après le test, le père présumé sera définitivement reconnu comme géniteur de l’enfant et devra prendre ses responsabilités éducatives et financières. Dans ce cas, la loi algérienne n’oblige toutefois pas le mariage. C’est entre autres à l’initiative du ministère de la Solidarité qu’ont été mises en place des systèmes d’aide en faveur des mères célibataires, considéré comme un véritable fléau dans la société algérienne. Les aides financières, adjointes aux mesures judiciaires pour forcer les tests de paternité, ont permis au premier semestre 2007 à 255 enfants de revenir dans le giron de leur mère après avoir dû être abandonnés. Cette mesure semble d’autant plus nécessaire que le droit coranique est peu encline à l’adoption. Bien que les conditions de la « kefala » (qui est l’engagement à s’occuper d’un enfant, sans créer de lien de filiation) aient été élargies en 1993, l’adoption plénière reste difficile car en principe interdite par le Code de la famille en son article 46 énonçant que « l’adoption (Tabanni) est interdite par la chari’a et la loi ». Or, le fait de porter le nom du père est indispensable dans le lien de filiation, aussi bien pour donner des droits paternels au père sur son enfant, que pour que ce dernier puisse être légitime à participer à l’héritage du père