Pourquoi le test de paternité n’est pas libre d’accès en France

Les lois bioéthiques existent en France depuis plusieurs années, et empêchent la réalisation d’un test de paternité à titre purement privé. Cet ensemble de textes législatifs est vivement critiqué, car il isole de plus en plus la législation française par rapport à celle de ses voisins proches ou lointains. De plus, on peut douter de l’efficacité réelle d’une telle interdiction, puisque ce sont les clients français qui font justement le bonheur des laboratoires situés en pays limitrophes tels que la Suisse, la Belgique, l’Espagne, l’Angleterre… dont parfois même la majorité des clients sont hexagonaux. Pourtant, la position législative de la France quant au test de paternité n’a depuis pas été revue, bien qu’un groupe de travail se soit récemment attelé à la tâche. On le voit, ces dispositions ont été conservées malgré leur inefficacité de fait ; on peut donc penser qu’elles sont maintenues non tant par utilité que par principe. Les motivations tiennent à la manière dont l’empreinte génétique des individus est considérée en termes de droits individuels. Aux yeux de la loi, cet ADN relève de notre identité la plus profonde, et quelque part aussi de notre intimité. Ce ne sont pas tant des techniques forensiques ou du test de paternité que l’on a peur, mais de possibles dérives qui y sont liées. C’est tout le sens de l’article 16-11 du Code civil, qui impose une nécessité absolue du consentement, exprès, éclairé et surtout préalable au test de paternité. Outre ces nécessités lorsqu’il est autorisé, le test de paternité est interdit dans des démarches autres que judiciaires, scientifiques ou d’identification d’un corps.

Ce que l’on veut à tout prix éviter, ce sont les risques eugénistes par des mécanismes détournés. Par exemple, quid d’une mère qui décide d’avorter après un test de paternité négatif ? Si ce n’est l’interdiction même du test de paternité, rien n’interdit techniquement cette pratique puisque l’accès à l’avortement est à la liberté de chacune. On voit donc que la question ne tient pas tant aux techniques du test ADN que ses implications dans d’autres mécanismes. Le problème s’est une nouvelle fois posé quant à la GPA (Gestation Pour Autrui). La législation française interdit les conventions de mère porteuse sur son territoire, ce qui n’empêche pas d’en réaliser à l’étranger. Rapidement, des cas de couples ayant eu un enfant de cette manière ont souhaité, par la technique du fait accompli, avaliser leur filiation avec l’enfant ainsi obtenu via un test de paternité. Jusqu’ici, la jurisprudence a été constante : refus complet. L’influence des normes – mais aussi des pratiques – internationales sur le droit français poussent néanmoins cette position à être régulièrement critiquée. Jean Claude Marin, procureur général de la Cour de cassation, prône dans cette lignée la régularisation de ces enfants à la condition d’un test de paternité positif. Cette position va à l’encontre des règles nationales concernant l’indisponibilité du corps humain, de ses produits, ainsi que les conventions portant sur ce même corps humain. Elle semble cependant plus réaliste face à ce qu’est aujourd’hui la réalité quotidienne.