On connaît déjà les risques du tabac pendant la grossesse, aussi bien sur la santé de la mère que sur celle du fœtus. Le risque de fausse couche spontanée est ainsi augmenté de 20 % chez les mères fumeuses, et celui d’accoucher prématurément sera augmenté de 50 %. S’ajoutent à cela un risque accru de mort subite du nourrisson, et des problèmes à plus court terme comme des complications respiratoires et une baisse drastique des défenses immunitaires. Une étude américaine publiée dans la revue Environmental health perspectives laissait également entrevoir un risque de modification de l’ADN fœtal par le tabac. Portant sur 889 nourrissons dont ? des mères avouait fumer pendant la grossesse, des modifications épigénétiques avaient été décelées dans l’ADN des enfants. L’étude ne pouvait néanmoins pas répondre à toutes les questions, dont celle de savoir si ces modifications étaient permanentes, ou si elles étaient uniquement dues au tabac ou à son association avec de multiples facteurs extérieurs.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle étude qui vient confirmer ce risque pour l’ADN foetal de manière certaine. Dans le cadre de l’ALSPAC (Avon Longitudinal Study of Parents and Children), de multiples tests ADN ont été effectués, notamment sur des enfants de mères fumeuses. Entamée dès 1991, le but de cette étude se veut plus global que la recherche sur le tabac et l’ADN, puisqu’il vise à comprendre les causes génétiques et environnementales dans le développement de maladies particulières sur la santé des adolescents dans un sous-groupe nommé SYS (Saguenay Youth Study). Le tabac fait partie de ces facteurs, et les conclusions le l’ALSPAC sur le sujet sont tout sauf rassurantes. Les tests ADN effectués par l’équipe de chercheurs montrent une différence claire de méthylation de l’ADN entre les enfants de mères fumeuses et les autres. Si l’étude évoquée plus haut ne pouvait différencier l’influence exacte de ce facteur, les observations de l’ALSPAC ont permis d’isoler les effets constatés du tabac sur les gènes. Les mêmes modifications génétiques sont retrouvées à la naissance, à l’âge de 7 ans et à celui de 17 ans, indépendamment de facteurs de vie tels que le tabagisme passif.
Outre la confirmation des conséquences du tabac sur l’enfant à naître, les résultats de cette étude permettront de mieux comprendre le rôle des modifications génétiques pendant la grossesse et leur influence chez cet enfant arrivé à terme. La méthylation de l’ADN ne concerne effectivement pas seulement les fœtus exposés au tabac, et les conclusions de ce travail pourront être étendues à d’autres types de maladies.