Est-il possible de différencier deux jumeaux par leur ADN ?
La réponse à cette question semble évidente : non. Et pourtant… Il faut d’abord faire la distinction entre jumeaux dizygotes (faussement appelés « polyzygotes ») et jumeaux monozygotes. Les premiers ne posent aucun problème, puisque leurs codes génétiques respectifs proviennent de deux souches différentes. Il est donc possible de les différencier au même titre que l’on peut faire la distinction génétique entre un frère et une sœur. En revanche, les jumeaux monozygotes portent la même base d’ADN. Il est donc a priori impossible de les différencier génétiquement l’un de l’autre. Ainsi en 2013, deux jumeaux avaient été mis en garde à vue pour des viols dont apparemment seul l’un des deux était coupable. Encore, lors du cambriolage du magasin KaDeWe de Berlin en 2009, la police n’a pas pu identifier le responsable et n’a donc pu incriminer personne car le braqueur avait un frère jumeau.
C’est là qu’intervient une équipe de scientifique allemands, par une étude au nom révélateur : « Trouver une aiguille dans une botte de foin : différencier de « vrais » jumeaux dans un test de paternité et dans les sciences criminelles par un séquençage ultra-poussé de nouvelle génération ». Cette tâche est normalement impossible puisque deux jumeaux partagent le même matériel génétique ; on s’est cependant rendu compte que dans des proportions infimes, certains gènes mutaient indépendamment d’un individu à l’autre d’une paire de jumeaux. La solution était donc théoriquement là, mais le problème était de portée pratique puisque ces gènes sont issus de mutations anormales. Les chercheurs de cette étude ont en effet mis plusieurs semaines à isoler et identifier les marqueurs qui les intéressaient dans la différenciation génétique de deux jumeaux. L’ordre de grandeur est de 5 paires exploitables dans le cas présent contre les milliards présentes dans un échantillon d’ADN humain.
En l’état, la technique coûte environ 500 000€ chez les quelques laboratoires français capable de la réaliser et prend plusieurs semaines de travail. Malgré ces difficulté, la possibilité de différencier deux jumeaux par l’ADN est maintenant bel et bien opérationnelle, et la police américaine ne s’est elle non plus pas privée de recourir à cette méthode. C’est dans l’affaire Dwayne McNair qu’elle va s’avérer terriblement efficace. L’enquête cherchait l’auteur de viols accompagnés de vols et de tabassages. L’une des victimes a pu récupérer un échantillon d’ADN du violeur, mais l’enquête a rapidement stagné lorsque les fichiers ont révélé que ce dernier avait un frère jumeau. L’étude des chercheurs allemand sur les tests ADN et la gémellité est alors tombé à point nommé : après avoir soumis la pièce à conviction à l’ADN de chacun des deux frères, le bureau du procureur de Boston a pu déclarer qu’ « il est 2 milliards de fois plus probable que Dwayne McNair, plutôt que son frère, soit la source de l’ADN » ».