Peut-on faire un portrait-robot à partir d’un test ADN ?

Il est techniquement tout à fait possible de simuler le portrait d’un individu à partir de ses caractères génétiques : origines, couleur des yeux, groupe sanguin, couleur des cheveux… la génétique peut révéler une infinité de détails sur son propriétaire. C’est pourquoi les lois bioéthiques française ont très fortement limité cette possibilité en soumettant les tests ADN à une autorisation judiciaire (dans le cadre d’une procédure civile de filiation, une procédure pénale ou administrative pour le regroupement familial). C’est pourquoi le fichage ethnique est également interdit en France, contrairement aux États-Unis ou à l’Angleterre qui ont intégré cette méthode à leurs institutions depuis longtemps. Or, un test ADN peut parfaitement déterminer les origines ethnique d’une personne, ce qui peut mener à des dérives que veulent empêcher les lois bioéthiques.

Pourtant, ce principe a subi une importante inflexion dans une affaire sordide survenue à Lyon . Vers la fin de l’année 2012, de multiples viols avaient eu lieu dans l’agglomération. Le mode opératoire était le même, et malgré la répétition des agressions aucune des victimes n’a pu décrire physiquement le prédateur. Les méthodes d’enquête conventionnelle n’avaient pas porté leurs fruits, et les service de police étaient certains que l’homme allait recommencer. Ils se sont donc servi d’une méthode non conventionnelle pour décrire physiquement ce violeur : un portrait-robot réalisé à partir de son ADN. Les enquêteurs ont alors pu le décrire ainsi à partir d’un test ADN poussé : « Sexe : masculin – yeux : marron tendance foncée – peau : claire tendance mâte – cheveux : châtain ou brun/noir tendance foncée ».

C’était une première, mais également le franchissement d’une limite juridique. Le droit français n’autorise l’analyse ADN dans le cadre de l’identification d’une personne que sur des gènes dits « non codants », c’est à dire des gènes propres à identifier nominalement une personne, mais sur des critères n’étant pas potentiellement discriminatoires. La seule entorse à cette règle était l’acceptation de relever la masculinité ou la féminité du sujet testé, ce qui va de soi dans un test de paternité par exemple. L’article 706-50 du Code de procédure pénale énonce à cet égard : « Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe ». Qu’en est-il alors des yeux foncés, de la peau mâte et des cheveux bruns de notre suspect ?

C’est la cour de Cassation qui a répondu par le biais de sa chambre criminelle dans un arrêt n° 3280 du 25 juin 2014. Elle indique que « dès lors que l’expertise ordonnée par le magistrat […] consistait exclusivement à révéler les caractères morphologiques apparents de l’auteur inconnu d’un crime à partir de l’ADN que celui-ci avait laissé sur les lieux, à seule fin de faciliter son identification […] », le procédé est légal. Les forces de l’ordre voient donc entériné par la jurisprudence un nouvel outil d’enquête à leur arsenal.