Pourquoi peut-on être déclaré père d’un enfant alors que l’on a refusé le test de paternité ?

 

L’un des paradoxes les moins compris par le grand public est la déclaration judiciaire de paternité : concrètement, il s’agit d’un juge déclarant un individu X père d’un enfant Y au vu des preuves apportées par les parties. Le plus intriguant est que cette déclaration puisse se faire sans même que le père présumé ait accepté le test de paternité, alors qu’on prétend que ce dernier constitue la preuve ultime en la matière. Dès lors, comment pourrait on déclarer qu’un homme est bien le père d’un enfant si il n’a pas été possible de faire parler le test de paternité au cours de la procédure judiciaire ?

 

La réponse réside dans le statut de preuve du test : il est normalement une preuve parmi les autres, ce qui signifie qu’il n’a ni plus, ni moins de valeur. Son gros avantage réside dans sa rigueur toute scientifique, ce qui n’empêche en rien de prouver les liens de parenté via d’autres méthodes. En remontant un peu dans la procédure, c’est d’ailleurs ce qui est généralement demandé pour que le juge autorise un test de paternité : afin d’introduire l’instance, il est demandé un amoncellement suffisant de preuve tendant à montrer que le père présumé serait bien le père biologique de l’enfant. Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments que le juge déclarera opportun ou non de procéder à un test de paternité afin de savoir définitivement ce qu’il en est.

 

Or, les lois garantissant la protection du corps humain et des individus empêchent quiconque d’être forcé à être prélevé pour un test de paternité. La technique la plus logique pour un père présumé de mauvaise foi serait donc de se refuser à tout prélèvement, afin que la preuve de sa paternité ne soit pas constituée de manière certaine. Pourtant, on constate que cela n’empêche pas le juge de déclarer un tel père présumé comme étant le père biologique de l’enfant concerné, même après un refus. En termes de logique juridique, c’est tout à fait normal : si le résultat du test de paternité peut être un élément de preuve, le fait de refuser de passer ce test de paternité peut aussi être un fort élément de preuve. En effet, il est très peu probable que le test de paternité soit refusé pour d’autres motifs que la mauvaise foi, mis à part des cas très exceptionnels généralement justifiables factuellement (maladie, absence, empêchement…).

 

Cette solution a été contestée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, qui a débouté le demandeur et consacré cette possibilité pour le juge. C’est en effet dans un arrêt Canonne c/ France que les juges européens ont indiqué faire primer l’intérêt de l’enfant sur la protection de l’adulte face au prélèvement. Aussi, le droit pour le juge de tirer des conclusions d’un refus de test de paternité y a été entériné.