L’idée paraît être le barrage parfait à ce que l’on a appelé « la paternité imposée ». Le schéma classique se résume en quelques lignes : une mère se retrouve enceinte et l’annonce au père, qui refuse de reconnaître l’enfant et donc d’en assumer conjointement la charge. Là, la mère fera une procédure judiciaire en recherche de filiation afin que ce soient les tribunaux qui ordonnent l’inscription de cet homme en tant que père sur l’état civil de l’enfant. Généralement, un test de paternité sera demandé en cours de procédure pour vérifier qu’il y a bien des liens biologiques. Là, le père présumé usera de sa possibilité tout à fait légale de refuser le prélèvement nécessaire au test de paternité.

Supposément, ce refus devrait bloquer toute la procédure de reconnaissance, puisque la preuve du lien biologique ne peut être obtenue sans le consentement de tous les participants. Pourtant, le juge peut déclarer qu’un homme est le père d’un enfant malgré son refus de passer un test de paternité légal : comment cela s’explique-t-il ? Dans la plupart des cas, c’est d’ailleurs plutôt « à cause du refus » que « malgré le refus » que cette paternité est prononcée de manière judiciaire. En fait, il faut rappeler le statut du test de paternité en tant que preuve judiciaire pour mieux comprendre de quoi il en retourne. Bien qu’il soit plus fiable que d’autres – et donc sujet à plus de crédit – le test de paternité reste techniquement une preuve.

D’une part, cela signifie qu’il peut être appuyé ou contrebalancé par d’autres preuves. C’est ce que semble d’ailleurs indiquer le dépôt de requête au tribunal, qui nécessite de faire état d’un certain nombre d’indices de paternité afin que le juge accepte de demander un test de paternité. D’autre part, cela rappelle que c’est la justice qui déclare qu’un homme est le père d’un enfant, et non le test de paternité. En conséquence, le juge peut fonder sa décision sur d’autres éléments de preuve que le test de paternité en lui-même., ce qui inclut la prise en compte du refus de prélèvement.

La question a encore été posée récemment en justice par Christian Canonne, citoyen français ayant déposé un recours devant le juge communautaire. La Cour EDH a considéré comme légal le fait de déclarer quelqu’un père d’un enfant, même après son refus de subir le prélèvement de ses empreintes génétiques en vue du test de paternité. Pour soutenir cette décision, ce sont les droits de l’enfant qui ont été invoqués.