Le 15 juillet 2014, le ministre marocain de la Santé a présenté dans un communiqué de presse son intention de réfléchir à interdire la vente libre de tests ADN par le biais d’internet notamment. Le postulat du ministre est de considérer ces tests d’une part comme peu fiable en raison de la variabilité des normes d’analyse et du manque de cadre juridique, et d’autre part quant aux risques de tests réalisés dans de « mauvaises intentions ».

Il n’a pas précisé le fond de sa pensée sur ce point, mais on imagine bien qu’il puisse s’agir ici de personnes voulant se décharger de responsabilités paternelles par un test négatif. En effet, le droit marocain est basé sur le patriarcat ; c’est pourquoi les cas prévus par la loi préféreront déclarer un lien de filiation entre un enfant et un père qui n’est pas forcément son géniteur biologique, mais dont l’union avec la mère pourrait correspondre en termes de délais de conception de l’enfant. Le but est d’éviter au maximum le fléau des mères célibataires et des « enfants du pêché », qui sont ostracisés par le reste de la société et voient leur vie démarrer avec un inconvénient non négligeable. Le site principalement visé par cette déclaration est ddc-maroc.com, qui propose divers services de test ADN en ligne. Cette pratique est permise par un flou juridique aux articles 153 et suivants du Code de la famille marocain, qui parle de « preuve probante » à apporter par le père, et d’ « expertise décisive ».

Le mode de preuve ainsi présenté semble ouvrir la possibilité dans le (seul) cas d’une procédure judiciaire, d’avoir recours aux tests ADN et tests de paternité sur internet. Cette ambiguïté permet de recourir à un tel test ADN dans le cadre d’un procès civil, mais le glissement est très facile vers le recours à ces mêmes tests dans le cadre privé, qui n’es lui pas autorisé par le droit marocain. L’interdiction totale semble pourtant difficile à concevoir, ce qui laisse penser que le ministre a voulu créer un effet d’annonce plutôt que de réellement prôner la totale prohibition du test ADN dans le cadre privé. En outre, la justice marocaine n’a agréé que deux laboratoires dans tout le pays, l’un à Rabat et l’autre à Casablanca. On imagine difficilement ces deux structures gérer à elles seules les tests ADN judiciaires pour le Maroc entier, le risque de l’engorgement se faisant rapidement entrevoir. Les sites prestataires de tests ADN semblent dès lors avoir encore de beaux jours devant eux au Maroc, qu’ils soient interdits ou non.