L’ADN permettra-t-il de stocker indéfiniment des données ?

Les chercheurs de l’ETH Zurich se sont récemment penchés sur la question, qui peut ne pas paraître importante au premier abord. Pourtant, les avancées de la science moderne et la vitesse croissante du développement technologique rendent cette question plus qu’actuelle ; en effet, pourra-t-on toujours lire un disque dur ou un DVD contenant le détail complet d’un test ADN dans 100, 1 000 ou 10 000 ans ? À une moins grande échelle, c’est ce qui se produit par exemple chez la plupart des particuliers qui possèdent des cassetes VHS qu’ils ne peuvent plus lire à cause de l’usure de la bande. Le Dr Robert Grass et son équipe se sont donc penchés sur le problème afin de proposer une solution viable, pouvant conserver des données via l’ADN pendant 1 million d’années.

Dès lors, par où commencer ? C’est en toute logique vers les fossiles que les chercheurs suisses se sont d’abord tournés. Les analyses se sont concentrées sur ceux qui ont pu nous faire parvenir de l’ADN exploitable jusqu’à plusieurs centaines de milliers – voire plusieurs millions – d’années plus tard. Une fois cette base établie, il ne restait plus qu’à trouver un moyen de la synthétiser pour qu’elle soit utilisable à l’avenir. Pour ce faire, ils ont codé l’ADN avec des données brutes (qui ne relevaient pas obligatoirement de la pure empreinte génétique, les chercheurs se sont notamment amusés à introduire dans leurs tests un exemplaire de la charte fédérale suisse de 1291). Ils les ont ensuite synthétisés en un ADN ; restait alors à simuler les conditions de dégradation rencontrées par les échantillons ne faisant l’objet d’aucune mesure de conservation artificielle dans le but d’éprouver la méthode. Pour cela, ils ont conservé pendant 1 mois les capsules contenant l’ADN dans un milieu à -70° C. En fin de processus, les échantillons auront subi la même dégradation que s’ils avaient été laissés dans un environnement normal pendant plusieurs milliers d’années.

Les résultats ont été à la hauteur des attentes du Dr Grass et de son équipe : malgré ce traitement, le test ADN sur les échantillons a pu permettre d’extraire et lire les données incluses au départ avec une faible marge d’erreur. Les résultats de cette étude sont disponibles ici :

http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201411378/abstract

Ce procédé se veut non pas comme un remplacement des méthodes actuelles, mais comme un complément qui permettrait de pallier à leur obsolescence programmée. Le Dr Grass fait ainsi état de l’importance de sauvegarder des données sur le patrimoine mondial de l’humanité, en envisageant une conservation par -18° C qui couplée à l’évolution des techniques de séquençage de l’ADN, permettrait une conservation des données atteignant le million d’années.