Lévi-Strauss nous apprend dans « Les structures élémentaires de la parenté » que l’interdiction de l’inceste est fondatrice de notre civilisation. Il confortera ainsi l’intuition qu’avaient déjà les populations depuis des siècles sur les risques des mariages consanguins. La chose sera de ce fait transformée en insulte, comme le rappelle la bannière déployée par les supporters parisiens lors d’une match contre Lens. Cette intuition sera confirmée par les progrès de la science génétique, qui viendront mettre en évidence le rapport entre proximité de l’ADN des parents et problèmes survenant chez la progéniture.

L’étude qui a établi ce lien ne visait originellement pas à étudier les effets de la consanguinité, mais à découvrir la raison d’une mortalité infantile plus fréquente dans la communauté pakistanaise d’Angleterre. Au départ, ce sont donc de multiples facteurs tels que le mode de vie des parents, leur alimentation ou encore leur patrimoine génétique, qui ont été étudiés. C’est ce dernier critère qui a retenu l’attention du Dr Eamonn Sheridan et son équipe au sein du Leeds Institute of Biomedical & Clinical Sciences. Les chercheurs se sont rendus compte que les mariages entre cousins germains étaient beaucoup plus fréquents dans la communauté pakistanaise que chez les personne d’ascendance anglaise depuis plusieurs générations. Cette endogamie est notamment favorisée par le communautarisme à l’anglaise, qui pose une limite franche entre les communautés et permet le repli.

Toujours est-il que les tests ADN venus étayer cette étude ont montré une présence accrue de cas de trisomie 21 et de malformations (cœur, poumons…), en parallèle des enfants morts-nés. Les chercheurs estiment que ces malformations sont dues pour quasiment un tiers à la consanguinité issue des mariages entre cousins dans cette communauté. Le problème est que plus les communautés se ferment, plus le risque de se marier avec un parent proche ou éloigné (volontairement ou non) est élevé. Le Dr Sheridan se veut toutefois rassurant : il rappelle que malgré le doublement du risque, on se trouve toujours sur des proportions faibles. Ainsi, le risque de complications pour l’enfant d’un couple consanguin dans cette communauté ne se situe « que » entre 3 et 6 %. Les scientifiques sont plutôt optimistes quant à leurs résultats, et espèrent que leur diffusion permettra de tenir un rôle préventif. C’est ce que l’on a vu se produire en Norvège, où une étude du même type chez les femmes pakistanaises a montré une décroissance des mariages consanguins avec le temps, et incidemment une réduction du taux de mortalité infantile dans la communauté pakistanaise de Norvège.