La question fait débat depuis de nombreuses années : dans à peu près tous les pays qui ont recours au test de paternité légal, aucun n’a de lois permettant de forcer un père présumé à s’y soumettre. Ces protections peuvent être d’origine diverses, venant aussi bien de la loi que de la Constitution. Ainsi le Sénégal a vu une proposition de loi déposée pour y remédier, afin que les pères ne puissent plus se dégager de leurs responsabilités. Une initiative similaire a été suggérée en Algérie, ce afin d’éviter le phénomène de mères célibataires assumant seules un enfant dans un système juridique patriarcal. Là aussi, des règles constitutionnelles de protection du corps humain et des individus empêchent tout test de paternité coercitif même si une très forte présomption existe envers les pères présumés.

Pour parer à cette possibilité, le juge peut considérer que le refus de passer un test de paternité est en lui-même une preuve supplémentaire de ladite paternité. Pourquoi ? Car une personne ne souhaitant pas assumer son rôle n’aurait aucun intérêt à passer au crible de cet examen scientifique ; au contraire, toute autre souhaitant se disculper définitivement a tout intérêt à subir un test de paternité. Le refus de coopérer à la procédure peut donc se retourner de cette manière contre le père présumé, qui verra alors sa paternité prononcée par décision de justice.

C’est ce que contestait justement Christian Canonne, un citoyen français dont la paternité avait été reconnue judiciairement par un tribunal civil. Il avait pourtant refusé de se faire prélever en vue du test de paternité légal, ce qui n’a pas empêché le juge de tirer ses conclusions à partir d’autres éléments, dont ce refus. C’est ce dernier point que Christian Canonne a décidé de contester, portant l’affaire jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ou Cour EDH). Il a donc fait valoir le principe d’inviolabilité du corps humain devant le juge communautaire afin de justifier en droit sa démarche.

Dans une décision du 25 juin 2015, req. n° 22037/13, Canonne c. France, la Cour EDH affirme le droit pour le juge d’utiliser le refus de passer le test de paternité comme une preuve de la paternité. À l’inviolabilité du corps humain, il est opposé le droit de l’enfant. La Cour EDH ajoute par ailleurs que ce refus n’est qu’un moyen de preuve parmi plusieurs autres, et non pas le seul fondement de la décision attaquée. Le juge national est donc dans son bon droit lorsqu’il considère un refus de passer un test de paternité comme suspect et probant.