Ce mois de juin 2015, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a dû trancher un litige relatif à la valeur probatoire du refus de passer un test de paternité. Dans cette affaire, M. Christian Canonne était opposé à une jeune femme lui demandant de reconnaître la paternité de son enfant (pour la petite histoire, Christian Canonne est le petit-fils de l’inventeur des pastilles Valda). La procédure remonte à 1982, date de naissance de l’enfant que n’a pas souhaité reconnaître celui qui n’était alors que son père présumé. Les juridictions civiles françaises lui avaient donné tort en première instance et en appel, au motif que les preuves de sa paternité étaient suffisantes pour l’obliger à en assumer la pleine responsabilité. Parmi ces preuves, c’est l’une en particulier qui fait débat : le test de paternité. En l’espèce, Christian Canonne avait refusé de s’y soumettre malgré la demande du juge. De là, les tribunaux en ont déduit la paternité de M. Canonne. Ce dernier a décidé après coup de faire remonter l’affaire jusqu’aux juridictions européennes, car il considère que la France a bafoué un droit fondamental pourtant présent dans sa législation civile qu’est l’inviolabilité du corps humain et de la personne.

C’est à Strasbourg qu’a donc été jugée l’affaire, afin de savoir si cette décision allait ou non à l’encontre des droits fondamentaux du défendeur. Les juges communautaires ont considéré que la législation française à ce sujet était en accord avec la protection des droits fondamentaux. S’il a bien été pris en compte que le droit de refuser de passer un test de paternité était primordial pour les libertés individuelles, elle a également considéré qu’il était acceptable pour le juge de tirer conséquence de ce refus. Ce sont ici deux intérêts qui s’affrontent : la protection de l’inviolabilité du corps humain pour le père présumé, et la valorisation du droit à connaître ses origines pour l’enfant (représenté ici par sa mère). En filigrane, il est également sujet de la responsabilité des géniteurs quant aux enfants dont ils sont la cause.

Plus précisément, la cour EDH a insisté sur le fait que le refus du test de paternité n’était pas le seul élément de preuve que le juge national avait utilisé en première et seconde instance pour décider de la paternité de Christian Canonne. Cette décision remet donc le test de paternité dans le contexte de la preuve juridique. Par extension, le refus de passer ce même test de paternité peut être interprété par le juge comme un aveu implicite de paternité si d’autres preuves tendent à aller en ce sens. La cour EDH insiste d’ailleurs particulièrement sur ce point, afin de montrer que le refus du test de paternité n’est pas la seule source qui fonde la décision des juges français. Cette jurisprudence est importante pour le droit de la filiation, car elle entérine une pratique déjà connue et utilisée des juges depuis plusieurs années. Elle prend d’autant plus d’importance qu’elle n’est susceptible d’aucun recours, puisqu’il n’y a aucune juridiction au-dessus de la cour EDH pouvant être invoquée pour contester cette décision.