L’affaire concernant la fille de Rachida Dati a été l’objet de nombreux rebondissements. Le dernier en date est la déclaration judiciaire du père de l’enfant, que serait le grand industriel français Dominique Desseigne. Une question se pose toutefois pour la plupart des gens qui ont suivi l’affaire : comment a-t-il pu être considéré comme le père de Zohra Dati, alors même qu’il avait refusé de se soumettre au test de paternité qui devait le prouver ? Pour le comprendre, il faut avoir une idée de la manière dont fonctionne le système de preuve en matière de filiation en droit français.

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Pour prendre sa décision, le juge se fonde sur un ensemble de preuves concordantes. Cela peut comprendre tout témoignage, document… ainsi que le test de paternité tel qu’il est prévu à l’article 16-11 du Code civil. Sur la base des expertises génétiques réalisées dans le cadre de la procédure judiciaire, le juge peut tirer toutes les conclusions qui en découlent. Généralement, son avis suit les résultats du test de paternité, car la technique même en semble très difficilement contestable. Un bémol cependant : d’un point de vue formel, le père présumé a tout à fait le droit de refuser le test de paternité qui le vise. Dans ce cas, la procédure de recherche de filiation est-elle bloquée lorsque le père présumé refuse le prélèvement ?

 

Il se trouve que non. Le système de preuve judiciaire permet au juge de tirer des conséquences de ce refus. Si l’absence de participation du père présumé au test de paternité semble participer d’une mauvaise volonté, le juge peut en tirer des conclusions. Concrètement, il est possible de considérer ce refus comme une preuve supplémentaire de la paternité parmi les autres preuves apportées. C’est a priori ce qui s’est passé dans le cas de Dominique Desseigne, qui s’est vu judiciairement reconnaître père d’un enfant alors que pourtant, aucune preuve génétique n’a été présentée (puisqu’il a refusé de se faire prélever en vue du test de paternité).

 

Cette possibilité a été entérinée par le juge communautaire dans l’arrêt Canonne c/ France. En l’espèce, M. Canonne avait été déclaré père d’un enfant par la justice française alors qu’il s’était refusé à passer le test de paternité légal. Considérant cette décision comme une violation de ses droits, il s’est porté devant la Cour européenne des droits de l’homme afin de faire valoir sa cause. Là, les juges communautaires ont répondu que l’intérêt de l’enfant devait tout autant être pris en compte que les droits du parent présumé. À cela, il a été ajouté que l’utilisation du refus comme preuve par le juge était tout à fait possible tant qu’il venait étayer d’autres preuves en présence.