Les chimères remettent-elles en cause le test de paternité ?

 

Dans ce cadre précis, les chimères ne renvoient pas aux créatures mythologiques ou à l’expression consacrée pour toute idée irréalisable. Appliqué au test de paternité, ce principe renvoie à un phénomène connu depuis un certain temps dans le domaine des sciences génétiques ; il s’agit alors du terme utilisé pour parler de la cohabitation de deux populations de cellules génétiquement différentes au sein d’un même organisme. En clair, cela signifie qu’un humain peut tout à fait avoir deux ADN. Généralement, ce phénomène survient chez l’humain lorsque deux jumeaux se développent concomitamment jusqu’à ce que l’un absorbe l’autre. Le jumeau survivant aura alors certaines parties avec son propre code génétique, et d’autres avec celui de son jumeau qui ne naîtra jamais. Lorsque les cellules des organes de reproduction et de gestation sont génétiquement différentes de celles prélevées pour le test de paternité (frottis buccal ou prise de sang), on comprend aisément le problème que cela peut poser.

 

Le cas de Lydia Fairchild est à ce titre très éloquent. À la naissance de son troisième enfant, Lydia Fairchild s’est séparée de son conjoint et lui a demandé une pension alimentaire pour les deux précédents enfants issus de cette union. La procédure et le test de paternité subséquent ont montré que son ex-compagnon était bien le père… mais qu’elle n’était pas la mère des enfants. L’analyse génétique est donc venue remettre en cause toutes les déclarations, témoignages, ainsi que les constatations de l’hôpital sur la naissance des enfants. Pour la naissance du troisième enfant, le juge ordonna alors qu’un témoin agréé soit présent lors de l’accouchement afin de recueillir immédiatement des échantillons sanguins sur la mère et l’enfant (afin d’être sûr que ceux-ci n’ont pas été falsifiés). Encore une fois, le test ADN a conclu que Lydia Fairchild n’était pas la mère de l’enfant, qu’elle venait pourtant de mettre au monde devant témoins.

 

Il a alors été suggéré à l’avocat de Lydia Fairchild par un confrère qu’il s’agissait peut-être d’un cas de chimérisme. La chose s’était vue précédemment en Angleterre dans le cas de Karen Keegan. Des tests ADN étendus ont alors été faits entre la famille maternelle et les enfants, qui ont montré que ces derniers étaient bien liés à ladite famille. Plus troublant encore, l’ADN de la peau et des cheveux de Lydia Fairchild ne correspondait pas à celui de ses enfants, tandis que l’ADN de son utérus montrait au contraire un lien maternel certain entre eux.