L’affaire qui bouleverse actuellement toute l’Argentine est la mort d’Alberto Nisman. C’est sa mère qui a donné l’alerte, inquiète qu’il ne réponde pas à la porte ; après quoi la police a retrouvé son corps sans vie, une balle dans la tête. Certains éléments annexes rendent cet apparent suicide plus que troublant. Mort le 19 janvier, ce procureur devait intervenir le lendemain devant le Parlement par rapport à son enquête sur l’attentat de 1994 au siège de l’AMIA, une association juive d’Argentine.
Cette coïncidence est d’autant plus intrigante que l’on connaissait les éléments accumulés et les déclarations de Nisman en défaveur de la présidente Cristina Kirchner. Pour bien comprendre le fond de ces accusations, il faut remonter jusqu’en 1994. L’attentat laisse derrière lui plus de 80 morts, ce qui en fait le plus gros d’Argentine en termes de victimes. L’opinion publique est alors choquée, et le gouvernement de l’époque prend les mesures nécessaires afin de retrouver et arrêter les responsables. Les premières pistes renvoient rapidement vers l’Iran, qui aurait apparemment diligenté cet attentat contre la mutuelle juive de l’AMIA. Le problème est qu’à l’époque, l’Iran refuse d’entendre parler d’enquête conjointe ou d’extradition. Suivront alors de nombreux rebondissements qui expliqueront que l’enquête soit encore en cours aujourd’hui. Entre-temps, des mandats d’arrêt internationaux seront demandés, même si l’Iran refusera de remettre à ce titre certains de ses ressortissants à la justice argentine. De leur côté, les autorités israéliennes laisseront entendre que les terroristes ont été pris en charge par leurs propres services.
En 2004, le président Nestor Kirchner charge Alberto Nisman de cette enquête. Quelques années et un changement de présidence plus tard, des divergences naîtront. Nisman accusera la nouvelle présidente Cristina Kirchner de volontairement freiner l’enquête afin de sauvegarder les relations diplomatiques de l’Argentine avec l’Iran, et ainsi conserver des avantages certains comme des prix préférentiels sur le pétrole. L’intéressée qualifie ces accusations de grossiers mensonges. C’est la veille de son audition devant le Parlement pour justement expliquer les raisons de la lenteur de l’enquête – et donc l’entrave présidentielle – que le procureur Nisman a été retrouvé mort à son domicile. Étant donné les circonstances, un test ADN sera effectué dans l’urgence afin de conforter ou infirmer la thèse du suicide. Cet ADN révélera que ni l’arme, ni le chargeur, ne portent d’autre ADN que celui du procureur Nisman. Ce n’est pas suffisant pour calmer la rumeur, beaucoup demandant des comptes à la justice sur ce décès encore suspect même après les résultats du test ADN sur l’arme.