Test ADN et obtention d’aveux

Par sa nature, la preuve ADN est très prisée des enquêteurs de police. Sa marge d’erreur est quasiment nulle (les résultats étant de l’ordre du 99,999…%), et elle s’avère souvent plus fiable que d’autres preuves tels les témoignages, voire même les aveux. Ce sont justement ces derniers qui nous intéressent aujourd’hui, puisque leur obtention peut être fortement poussée par les résultats d’un test ADN exhibés à la vue d’un suspect. C’est tout le problème que pose la glorification de ce type de preuve par la science forensique en raison de sa fiabilité ; concrètement, les résultats d’un test ADN doivent être remis dans leur contexte et interprétés au jour des autres preuves, concordantes ou non.

Une étude des psychologues Julia Shaw et Stephen Porter révèle ainsi une inquiétante conclusion à laquelle des expériences ont fait parvenir. Publiée dans la revue Psychological Science, l’expérience a trait aux mécanismes de la mémoire, et à la manière dont il est possible de l’influencer (ici, volontairement) :

http://www.psychologicalscience.org/index.php/news/releases/people-can-be-convinced-they-committed-a-crime-they-dont-remember.html

En l’espèce, il s’agissait ici d’un échantillon d’étudiants auxquels on a voulu implanter artificiellement des souvenirs. Une soixantaine d’entre eux s’est alors vue sélectionnée, la condition étant que le casier judiciaire soit vierge. Les scientifiques se sont ensuite donné pour mission de faire croire à chacun de ces étudiants qu’il avait commis un crime ou un grave délit, en s’assurant que le souvenir de ce crime fictif soit gravé dans sa mémoire. Pour être le plus crédible possible, les psychologues ont contacté les parents des étudiants afin d’avoir le détail d’un événement marquant dans leur adolescence. Ils ont ensuite fait passer des entretiens aux cobayes, dans le but d’implanter le souvenir. Pour cela, les psychologues ont d’abord parlé de l’événement réel et révélé par les parents, avant d’ajouter le crime fictif auxquels des détails réels ont été ajoutés pour semer le doute dans l’esprit des étudiants.

C’est lors du second entretien, une semaine plus tard, que les expérimentations ont commencé à faire effet. Suite aux sollicitations des psychologues (qui demandaient régulièrement de visualiser le supposé crime et de bien se le remémorer), ? des étudiants ont fini par avouer un crime qu’ils n’avaient pas commis. Plus troublant encore, la plupart d’entre eux ont raconté ce crime en y ajoutant des détails très précis sur des discussions avec la police qu’ils n’ont pas eues, par exemple. Ces résultats expliquent notamment mieux des initiatives telles que le projet Innocence, qui vise à utiliser la preuve ADN pour disculper des condamnés à mort aux États-Unis ; et sur tous les condamnés que cette association parvient à blanchir grâce à de nouveaux tests ADN, ¼ d’entre eux a pourtant avoué le crime sans l’avoir commis.