La montée de la « paternité blanche »

La question de l’immigration en France est depuis plusieurs années un sujet très sensible. Depuis « le bruit et l’odeur » de Jacques Chirac jusqu’aux auvergnats de Brice Hortefeux, ce débat sur l’immigration afro-maghrébine a eu tendance à se crisper avec le temps. On relève dans ce cadre une loi promulguée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui instaure la possibilité d’un test ADN. C’est en fait une modification de l’article L111-6 du Code  de l’Entrée et de Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) qui étend les pouvoirs du juge administratif en matière de contrôle. Dans le cadre d’une demande en vertu du regroupement familial, le juge peut demander à ce que le lien de parenté soit prouvé par un test de paternité ou autre si jamais l’acte d’état civil présenté est défaillant ou douteux. Le test ADN est toutefois considéré par le juge comme une preuve parmi d’autres, et c’est là qu’intervient le contournement total qu’est la paternité blanche.

Dans le cadre d’une procédure de regroupement familial, le lien de parenté peut être prouvé par des actes d’état civil, des tests ADN, mais aussi des déclarations de proches, des attestations… Les réseaux de passeurs ont donc rapidement intégré la chose pour utiliser le regroupement familial de manière beaucoup plus capillotractée. De même que le mariage blanc utilise l’institution maritale pour l’obtention de papiers français, la paternité blanche réunit de complets inconnus pour déclarer conjointement la paternité d’un enfant qui n’est en fait lié biologiquement qu’à un seul des deux déclarants. L’immigrant, alors déclaré parent d’un enfant dont l’autre parent est de nationalité française, peut prétendre à l’acquisition de papiers d’identité en règle. Cette technique est beaucoup plus simple à déjouer qu’un test de paternité sur prélèvement génétique, qui lui n’aura aucun mal à démasquer les fraudeurs.

Les autorités se sont rendu compte du phénomène lors du démantèlement d’un réseau bien organisé. Le passeur principal avait en fait un carnet d’adresses où il disposait de nombreuses personnes de nationalité française disposées à faire de fausses déclarations, pour faire légalement entrer sous couvert de parenté, des étrangers qui n’auraient pas été sûrs d’obtenir des papiers par la voie classique de l’OFPRA. Certains complices avaient ainsi déclaré jusqu’à plus de 200 enfants comme étant les leurs et nés sur le territoire français. La déclaration en mairie ne demandant comme preuve que les pièces d’identité des déclarants, il était facile de reproduire le procédé à l’envi, et surtout d’éviter la barrière infranchissable que représente le test de paternité pour un faux déclarant. Lorsque le procureur de la République a eu des doutes sur le réseau, c’est cette dernière solution qui a été adoptée. Les résultats des tests de paternité, couplés à la récurrence des mêmes noms dans les registres de l’état civil, ont permis de faire condamner le réseau de passeurs à la paternité blanche.