L’ADN du fantôme d’Heilbronn

L’histoire commence en 1993. Suite au meurtre d’une femme retraitée en Allemagne par strangulation à l’aide d’un câble en métal, des prélèvements ADN sont faits puis envoyés en laboratoire pour analyse. Jusque là, rien ne semble anormal dans le cours classique des affaires pénales. Le même ADN réapparaît en 2001, à 500km du premier meurtre. Il s’agit là aussi d’un retraité mort étranglé, à l’exception que celui ci a eu le crâne brisé avec une rare violence. Les enquêteurs se demandent alors s’ils ne font pas face à une tueuse en série qui aurait mis ses pulsions en sommeil ou été emprisonnée pendant sept ans. En 2011 toujours, mais dans une nouvelle région de l’Allemagne, un enfant se blesse avec une seringue usagée portant l’ADN du même criminel. La thèse de la psychopathe laisse alors place à celle d’une droguée prête aux pires horreurs pour se payer ses doses d’héroïne. En 2004, c’est en France qu’on retrouvera la trace de la tueuse, dans une affaire de séquestration et d’extorsion sur de petits commerçants ambulants. Encore une fois, on procède au test ADN, et encore une fois, l’une des pièces à conviction porte ce même ADN.

En 2007, deux policiers se feront froidement abattre d’une balle chacun dans la tête. Encore une fois, on retrouve l’ADN de la même femme. L’affaire a toutefois beaucoup choqué l’opinion allemande, et la presse s’empare du cas comme jamais. La criminelle dont on ne connaît que l’ADN est alors surnommée par les journaux « le fantôme de Heilbronn », en référence au village où ont été tués les deux policiers et du fait d’être toujours insaisissable. En 2008, on retrouve dans une rivière allemande le corps de trois homes originaires de Géorgie, tués d’une balle dans la tête. L’un des trois a été étranglé, ce qui semble pour les enquêteurs être la marque caractéristique du fantôme d’Heilbronn. Toujours en 2008, c’est une octogénaire agressée pour une centaine d’euros en liquide que l’on retrouve dans un état critique. C’est alors la 33ème fois que l’on retrouve l’ADN du fantôme sur des scènes de crime entre la France, l’Allemagne et l’Autriche. Fin 2008, c’est le cadavre d’une infirmière que l’on retrouve à Heilbronn, seulement à quelques mètres de sa voiture. Le fantôme d’Heilbronn semble être revenu dans les parages, ce qui crée un climat de psychose chez les habitants.

La recherche de cette criminelle fantôme trouvera un dénouement inattendu. Ce ne sont ni les 300 000€ de récompense promises, ni les supposés complices arrêtés à Metz en 2088, qui révéleront l’identité du fantôme d’Heilbronn. En mars 2009, une enquête du journal allemand le Bild montrera qu’en fait, les correspondances d’ADN ne sont dues qu’à une contamination des écouvillons lors de leur emballage à l’usine. Par souci d’économie, les services concernés dans chaque pays ont préféré utiliser les écouvillons en question. Un test ADN confirmera cette thèse en montrant que même certains écouvillons encore non utilisés portent déjà la même trace d’ADN. L’économie ne sera donc pas de mise, puisque ce ne sont pas moins de 100 policiers et 2400 tests ADN qui auront été effectués avant que cette affaire du fantôme d’Heilbronn ne soit résolue. Typiquement, ce cas démontre que n’importe qui ne peut se prétendre professionnel des analyses ADN, et c’est justement ce que des agréments et labels de qualité décernés aux laboratoires les plus stricts cherchent à tout prix à éviter.

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