Des bébés échangés à la maternité

Le scénario semble tout droit tiré d’un film à l’intrigue paresseuse, mais se produit pourtant beaucoup plus souvent qu’on ne l’imagine sans même que personne ne s’en rende compte. Une association suisse estime ainsi que statistiquement, il y a dans chaque classe d’écoliers un enfant qui n’est pas élevé par ses parents biologiques. L’interversion se produit généralement à l’hôpital lorsque le personnel s’occupe d’un enfant et ne le repose pas dans la bonne couveuse, ou ne le remet pas aux bonnes personnes ; et sans recours à la génétique et à un test de paternité, il est quasiment impossible d’établir l’erreur avec certitude. Les bracelets d’identification ne suffisent donc parfois pas à empêcher la confusion entre deux enfants. Si l’erreur passe inaperçue pendant longtemps, elle ne pourra être révélée dans la plupart des cas que par un test de parenté.

C’est la raison pour laquelle se bat une page Facebook pour venir en aide à tout « Kuckucksvater » (littéralement « papa-coucou », le coucou étant un oiseau qui introduit ses œufs dans le nid d’autres oiseaux pour que ces derniers élèvent les œufs de coucou comme s’ils étaient les leurs). Le but est d’éviter à l’enfant le traumatisme émotionnel de se savoir élevé par un autre que ses parents biologiques, problèmes que l’on connaît déjà chez une partie des enfants adoptés. Ludger Pütz, qui chapeaute ce projet, souligne également l’inégalité qui existe devant la filiation. Il explique qu’il est plus facile pour une femme d’être certaine de sa filiation, que pour un homme qui peut très bien ne pas être le père d’un enfant qui naît. Fort de ce constat, Pütz milite pour que l’on effectue un test de paternité à chaque naissance afin d’éradiquer le phénomène « Kuckucksvater ».

On retrouve ce même problème dans une affaire française, où deux familles ont élevé pendant plus de 20 ans un enfant qui n’était pas le leur. L’erreur a eu lieu dans une clinique de la ville de Cannes, où deux jeunes filles nommées Manon et Mathilde ont été remises aux mauvais parents. Le doute s’instaure dans le couple s’occupant de Manon, puisque les deux parents sont de type caucasien alors que la jeune fille s’avère être métissée. Le couple se séparera alors l’année des trois ans de Manon, avant que l’ex-compagnon ne demande un test de paternité l’année de ses neuf ans. Ils se rendent alors compte que Manon n’a de lien de parenté ni avec l’un, ni avec l’autre.

L’affaire est portée devant le tribunal de Grasse, qui devra se prononcer sur l’affaire le 10 février 2015. La puéricultrice de la clinique aujourd’hui fermée, justifie son erreur par ses graves problèmes d’alcoolisme à l’époque des faits. Les deux nourrissons avaient en fait une jaunisse, et la personne chargée de s’en occuper les a placées côte à côte. Dans la mesure où l’inversion n’était pas volontaire, les familles avaient déjà été déboutées de leur demande en 2005, mais son revenues à la charge devant la juridiction civile. Ce n’est pas moins de 12 000 000€ de dommages-intérêts qui sont demandés, au titre du préjudice subi.

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